Un nouveau bastion culturel

Rendez-vous aux portes du Vieux-Port, juste en face du MUCEM. Ici, en plein centre de Marseille se dresse un immense complexe militaire bâti en 1660 sous le règne de Louis XIV : Le fort Saint-Nicolas. Pendant 350 ans, ce mastodonte de calcaire n’a jamais ouvert ses portes au public, conservant son activité militaire à travers les âges. Passé d’un bastion, à une prison, se chargeant d’histoire au fil des ans, cet immense complexe est peu à peu passé du statut de forteresse imprenable à celui de charge financière en raison du coût d’entretien que sa conservation implique. Alors en 2010, après plus de trois siècles de loyaux services rendus à l’armée française, les derniers fonctionnaires ont quitté les lieux, pour que le fort entame sa restauration. Quelques années plus tard, la ville de Marseille a racheté le fort au ministère de la Défense pour faire revivre la citadelle, et enfin ouvrir ses portes après 350 ans de mystère.

Pour savoir qui va s'atteler au réemploi de la citadelle, la ville de Marseille a lancé un appel à projet relatif à la conversion de cet espace en 2017. Dans un premier temps, la ville n’a pas été séduite par les projets présentés, mais en 2020, le groupe SOS, dont fait partie Acta Vista, l’association chargée de restaurer la citadelle, a présenté sa vision pour l’avenir du fort. Benjamin Lengagne, responsable du pôle développement de la citadelle raconte : “L’idée du groupe SOS était de faire de la citadelle un nouveau grand pôle culturel. Créer sur ce site emblématique de l’histoire de Marseille, un véritable lieu de vie et de création, avec et pour toutes et tous. Le but, c’est de raconter l’histoire de France, tout en posant la question de la place du patrimoine à l’heure actuelle, dans un lieu qui a une histoire aux mémoires parfois dissonantes”. Le 8 décembre 2021, la mairie de Marseille a validé le projet du groupe SOS, en signant le bail emphytéotique administratif du fort pour les 40 prochaines années.

Avec cette signature, le défi est multiple. Pour Acta Vista et le groupe SOS, elle est l’occasion d’étendre leur modèle de gestion socialement responsable aux futurs métiers du site : restauration, accueil, sécurité et médiation, faisant de ce nouveau lieu de vie un véritable levier d’inclusion. A travers l’histoire et le patrimoine du fort, le défi est également de transmettre, dans le cadre d’un projet culturel et scientifique, et d’écrire un dialogue entre passionnés universitaires, citoyens porteurs de mémoires, et créateurs. Ces temps de transmission seront aussi l’occasion de faire de la Citadelle un véritable lieu de vie. Les jardins nord, premiers espaces à ouvrir de manière permanente au public “seront une véritable place de village” déclare Benjamin Lengagne, proposant espace de repos, petite restauration et animation populaire, donnant l’occasion aux usagers du site, au public de proximité et au public de passage de se rencontrer.

Cet ambitieux programme se mettra en place petit à petit. Benjamin Lengagne le rappelle : “2023 est une année de préconfiguration où nous avons ouvert nos portes pour les journées du patrimoine et quelques événements et représentations artistiques. Toute l’équipe apprend à travailler ensemble et se prépare pour l’ouverture”. 2024 marquera l’ouverture des jardins, et l'accueil de grands événements comme l’arrivée de la flamme olympique. Rapidement après cette première impulsion événementielle, la citadelle sera de plus en plus vivante “en redevenant un lieu de travail” explique Benjamin Lengagne “Avec l’ouverture d’un centre de ressource, notamment sur des sujets de préservation environnementale avec des études sur la santé des sols”.

En effet, la Citadelle de Marseille s’est engagée dès 2022 pour préserver ce patrimoine vivant, et non renouvelable. Confrontée comme tous les espaces verts en milieu urbain à la question de la pollution, le groupe SOS s’est rapprochée de l’université d’Aix-Marseille et du laboratoire LPED (Laboratoire Population Environnement et Développement) en accueillant des équipes de chercheurs sur place. Fin 2022, un projet européen nommé Remedspace a été lancé, il siège à la citadelle et est voué à accumuler et partager des savoirs autour de la bioremediation (La science qui consiste en la décontamination de milieux pollués au moyen de techniques issues de la dégradation chimique ou d'autres activités d'organismes vivants) et accompagne les entreprises qui souhaitent se consacrer aux solutions de préservation des sols.

A travers ses objectifs sociaux, culturels et environnementaux, la citadelle deviendra certainement l’un des incontournables marseillais, mais également un symbole de la nouvelle politique de la ville. Même si la gestion du fort s’effectue en totale indépendance par le groupe SOS, son futur est indissociable de la vie publique marseillaise. Benjamin Lengagne déclare que “Ce sont les habitants qui recréeront de la vie au fort Saint-Nicolas, car le projet intègre la mise en œuvre de démarches participatives incitant les marseillais à s’impliquer dans l’élaboration du programme d’activité. Notre but, c’est d’ancrer ce projet dans le territoire, et surtout fédérer autour d’un nouveau lieu de vie. ”De son côté, Benoît Payan, le maire de Marseille, déclare que le projet « Correspond pleinement aux ambitions de la ville, et demeure l’un des symboles de la réappropriation par les Marseillais de ce lieu remarquable.»