Des collocations différentes

Derrière la baie vitrée d’une charmante maison, située à peine 10 minutes en bus de l’hyper-centre de Nantes, se niche une colocation presque comme les autres. Ici on rit fort, on écoute du Céline Dion à tue-tête, et on papote autour de la grande table de la cuisine. Une atmosphère joyeuse, dans cette bâtisse qui réunit depuis le mois d’avril 2022, 10 jeunes entre 23 et 34 ans, dont la moitié sont porteurs d’un handicap mental ou cognitif. C’est le cas de Maxime, porteur d’une trisomie 21, et qui a décidé de quitter le nid familial pour gagner en autonomie. « On mange ensemble, on peut parler quand ça ne va pas. C’est une nouvelle famille, je suis heureux. » souligne-t-il.

Un témoignage qui est tristement loin de faire l’unanimité. Car en France, ce sont près de 7 millions de personnes qui sont confrontées à la solitude, dont 15 % ont entre 25 et 35 ans. Parmi eux, les jeunes en situation de handicap qui sont encore plus touchés par l’isolement relationnel (rapport annuel sur les solitudes, Fondation de France, avril 2021). Pourtant 66 % des 18-34 ans considèrent que le colocation, appelée également coliving, est la réponse aux enjeux des villes modernes. 44 % d'entre eux seraient même prêts à tenter l’expérience. Le problème ? 1 demande sur 10 est seulement satisfaite.

Un constat qui n’a rien d’une fatalité selon Emmanuel de Carayon et Aurélien L’Hermitte. Pour les deux fondateurs de Fratries, c’est même un terreau d’innovation, une source d’inspiration qui leur a permis d’imaginer le coliving inclusif: des hébergements réunissant jeunes actifs “En proposant ces colivings, on crée des rencontres qui peuvent changer la vie, et on démontre qu’on peut vivre ensemble avec nos différences. Ca nous fait tous grandir!” rappelle Emmanuel.

Unique en France, ces nouvelles formes d’habitat entendent bien révolutionner le domaine, et surtout changer les regards. A commencer par l’image que l’on peut porter sur l’habitat d’un jeune en situation de handicap. Ici, pas de papiers peints défraîchis, d’espaces exigus, ou de canapé qui fait lit. Piscine chauffée, chambres meublées, jardin, et salles de bain privatives sont mis à la disposition des colocataires, tout comme les espaces privatisables. L’objectif: se rencontrer tout en préservant l’intimité.

Si le lieu se veut aussi solidaire qu'esthétique, hors de question toutefois de rogner sur la dimension pratique. Ici, tout est bien pensé. Les services de soins, les lieux de travail, et les espaces de vie en société sont à proximité. Quant à la vie sur place, comptez un accompagnement de personnes handicapées pour chaque maison. Le responsable prend ainsi soin de ces derniers en les accompagnant jusqu’à l’emploi . Quant aux accompagnants de vie, elles sont 2 à 3 à intervenir sur des temps clés de la journée.

Un endroit qui fait rêver, tout comme les critères de sélection et le prix du loyer sur-mesure, calculé sur la base de leurs ressources pour assurer à chacun un reste à vivre convenable. Pour les jeunes actifs, comptez ainsi 700 euros et beaucoup de bienveillance. Enfin, 350 euros et un grand esprit de famille pour ceux en situation de handicap.