Un château pas comme les autres

Traversons les Pyrénées pour découvrir Barcelone, une ville qui interpelle immédiatement ses visiteurs par un aspect remarquable : son identité architecturale. Considérée comme le terrain d'expression privilégié de génies tels que Gaudi, Falqués, ou encore Cerdà, les rues de Barcelone s'apparentent à un musée à ciel ouvert, où chaque édifice, façade et monument témoigne du riche héritage de l'architecture catalane.

Si, par le passé, la ville s'est distinguée par la beauté de ses réalisations, aujourd'hui, elle embrasse un nouveau défi : celui de concilier durabilité, fonctionnalité et écologie, sans pour autant négliger l'esthétique. Dans cette quête d'un équilibre entre beau et responsable, l'Institut d'Architecture Avancée de Catalogne (IAAC) joue un rôle de premier plan. Situé entre le front de mer et la Sagrada Familia, l'IAAC est un incubateur d'idées, formant les architectes de demain à repenser l'habitat, en faisant de l'autonomie et de l'innovation leurs maîtres mots.

Bien que l'IAAC ait pu développer certaines techniques d'autonomie dans ses locaux au coeur de Barcelone, la mise en pratique de la plupart de ces innovations exige un espace conséquent pour des tests en situation réelle. Pour surmonter cet obstacle et passer à la phase concrète, l'IAAC a investi dans un espace exceptionnel : une ancienne ferme de 130 hectares, nichée sur les collines surplombant la ville, à seulement 25 minutes du centre-ville. Acquise en 2012 puis investie par des chercheurs et étudiants, cette propriété est devenue un laboratoire grandeur nature pour les architectes en formation, tout comme Barcelone a servi de toile de fond aux grands noms du passé.

Erica Lago, membre de l'IAAC, nous fait découvrir que ce site, situé dans le parc naturel de Collserola, offre un cadre unique, mariant une nature forestière préservée à la proximité d'un milieu hautement urbanisé – un cadre idéal pour le déploiement de nouvelles technologies. Ce lieu, baptisé Valldaura Lab, se définit comme un laboratoire vivant où l'apprentissage par la pratique et une approche expérimentale ouvrent la voie à des solutions tangibles. "Le projet a été initié dans le but de fonder un centre de recherche dédié à l'autosuffisance – énergétique, alimentaire et matérielle – en alliant technologies traditionnelles et innovations de pointe," précise Erica Lago.

Au cœur de Valldaura Labs, une révolution silencieuse s'opère, articulée autour de trois axes fondamentaux. "Ici, les travaux sont divisés en trois pôles," explique une source au sein de l'institut. Ces pôles se déclinent en Energy Lab pour les questions énergétiques, Food Lab pour l'alimentation, et Green FabLab pour la fabrication d'objets et d'outils.

Le voyage commence au Food Lab, où l'objectif est ambitieux : cultiver des aliments en embrassant diverses méthodes agricoles, tout en adhérant scrupuleusement aux principes de "l'agroécologie et de la biodiversité". Le laboratoire s'organise autour de "jardins biologiques, vergers intégrés à la forêt et un élevage durable", fournissant une gamme complète de produits alimentaires tout en soutenant l'écosystème local. En collaboration avec le réseau Slow Food, reconnu pour son engagement en faveur d'une alimentation "saine, propre et juste pour tous", le Food Lab déploie des "ateliers, cours, et événements" destinés à promouvoir l'autonomie alimentaire auprès du grand public.

L'Energy Lab prend le relais avec une mission tout aussi cruciale : repenser la gestion et la distribution de l'énergie via "des ressources renouvelables : biomasse, solaire ou éolien". Grâce à "un système de suivi" spécifique, il est désormais possible de mesurer et d'optimiser la consommation énergétique du site, marquant un pas de géant vers l'efficacité énergétique.

Le troisième pilier, le Green FabLab, se consacre à la fabrication durable, en permettant la création d'outils à partir de "ressources trouvables localement". Ce laboratoire représente le point de rencontre entre technologie de pointe et techniques traditionnelles, où "imprimantes 3D et découpeuses laser côtoient établis et fours à céramique", incarnant la fusion entre innovation et durabilité. En tant que membre du réseau Fab City, le Green FabLab vise à transformer les villes en "écosystèmes productifs et résilients", en organisant des "ateliers" pour encourager la fabrication locale et l'économie circulaire.

Ces initiatives à Valldaura Labs illustrent une approche holistique et avant-gardiste de l'autosuffisance, en alignant les aspirations écologiques avec les impératifs de notre époque.

Le Valldaura Lab, initialement envisagé comme un terrain d'expérimentation pour des techniques avant-gardistes, s'est rapidement imposé comme un catalyseur d'innovations significatives dans la conception de l'habitat de demain. Ce site a vu émerger des projets phares tels que la réalisation d'une maison passive en bois massif. Celle-ci, intégrant des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques, se distingue par sa capacité à générer sa propre énergie tout en minimisant son impact environnemental. Par ailleurs, le Valldaura Lab a mis au point un système de gestion de l'eau à la pointe de la technologie, capable de capter, stocker et répartir l'eau de pluie en fonction des besoins spécifiques des utilisateurs et des cultures. L'installation d'un réseau de capteurs environnementaux pour le suivi en temps réel des conditions climatiques, de la qualité de l'air et de la biodiversité souligne également l'ambition du projet de mesurer l'autosuffisance du site.

Erica Lago souligne l'importance du cadre unique offert par le Valldaura Lab pour ces expérimentations : "tous ces dispositifs n’auraient pas pu être testés, améliorés puis brevetés en restant dans Barcelone". En effet, l'intégration des dimensions alimentaire, énergétique et matérielle, s'appuyant sur des ressources locales et renouvelables, confère au Valldaura Lab le statut d'expérience vivante en matière de durabilité.

Avec le temps, le Valldaura Lab s'est transformé en un centre d'éducation et de sensibilisation, rassemblant étudiants, chercheurs, professionnels et citoyens engagés. Ce lieu d'échange et de réflexion sur les modes de vie futurs est devenu un point de rencontre essentiel pour ceux qui s'interrogent sur les défis écologiques et technologiques de demain.